DRAPEAU, HYMNE, DEVISE...
LA NOUVELLE-CALÉDONIE
SE CHERCHE UNE IDENTITÉ

2007 – AFP

Alors que le thème de l’identité nationale a agité la campagne présidentielle en métropole, la Nouvelle-Calédonie poursuit son émancipation, réfléchissant à des signes identitaires propres au risque de réveiller les passions.
Le projet de doter le «Caillou» de tels symboles — drapeau, hymne, devise, nom du pays et graphisme des billets de banque — est inscrit dans l’accord de Nouméa signé en 1998 entre l’Etat, les indépendantistes et les non-indépendantistes.
Il est stipulé que «des signes identitaires du pays (...) devront être recherchés en commun, pour exprimer l’identité kanak et le futur partagé entre tous».
Assorti d'un référendum d’autodétermination prévu entre 2014 et 2018, l’accord de Nouméa organise d’ici là l’émancipation progressive de l’archipel du Pacifique sud, notamment par des transferts de compétences mais aussi de symboles destinés à forger une «communauté de destin».
Jusqu’alors mis sous le boisseau, ce dossier sensible vient d’être ouvert avec la mise en place d’un «comité de pilotage» de 25 membres, associant politiques et société civile.
Les participants se disent «ouverts», mais le poids de la colonisation, des violences des années 1980 et des clivages communautaires risquent de peser lourd.
«Il ne faut pas se voiler la face, il y a quand même de la part de tous beaucoup de méfiance, on marche sur des œufs», déclare Jean-Louis Veyret, responsable de l’association des Pionniers.
Pour préserver la «sérénité des discussions», la presse sera d'ailleurs tenue à l’écart des réunions du comité, qui espère aboutir d’ici à 2009.
Cheville ouvrière du dispositif, Sylvain Pabouty, kanak indépendantiste, reconnaît que le débat va «réveiller les vieux démons mais qu’il faut crever l’abcès puisqu’on est condamné à avoir un destin commun».
Si l’hymne ou la devise semblent devoir susciter peu de polémique, en revanche le nom du pays et le drapeau seront d’épineux sujets.
Sur le modèle de la Papouasie Nouvelle-Guinée, le terme de «Kanaky Nouvelle-Calédonie» est souvent évoqué, mais ce patronyme fait s’étrangler la majorité des «caldoches».
«Ce serait difficile à faire avaler, car ce terme est emblématique d’une lutte politique. C’est impossible», déclare à l'AFP Gilles Brial, responsable du mouvement des jeunes du Rassemblement-UMP, affirmant ne «pas vouloir de signes qui soient une dérive de plus vers l’indépendance».
Pour sa part, Sylvain Pabouty estime qu’«il ne faut pas considérer le mot «Kanaky» en terme ethnique, mais en terme de nationalité».
Côté drapeau, les indépendantistes en ont un depuis la création du FLNKS en 1984 : une flèche faîtière cerclée de jaune sur fond bleu, rouge et vert.
En 1998, des géographes suisses avaient d'ailleurs lancé un concours sur internet pour imaginer un dessin mariant le drapeau tricolore et le drapeau indépendantiste. Relayé sur le «Caillou» par le parti «Calédonie mon pays», il avait suscité quelques 80 propositions.
Pour l’historien Louis-José Barbançon, le principal écueil du débat est celui du communautarisme.
Afin de s’en prémunir, les membres du comité de pilotage ont d’ailleurs convenu de commencer par réfléchir aux valeurs que devront porter ces signes identitaires, selon trois axes : «l’accord de Nouméa, les valeurs océaniennes et les valeurs universelles».

Claudine Wéry