SIGNES IDENTITAIRES, IMAGE DE NOTRE SOCIÉTÉ, CHOIX DE NOTRE AVENIR

2008 – Les Infos

S’il est un sujet qui a fait couler beaucoup de salive ces derniers temps, c’est bien celui des signes identitaires. Suscitant tour à tour enthousiasme et perplexité, l’idée de doter la Nouvelle-Calédonie d’un drapeau peut aller jusqu’à provoquer la colère voire des expressions de peur chez certains de nos concitoyens... Certaines de ces réactions peuvent sembler hors de proportions mais elles révèlent surtout que cette question, et la manière que nous aurons d’y répondre, influeront beaucoup sur la psychologie de nos compatriotes et la suite de l’Accord de Nouméa...

Des signes identitaires, pourquoi faire ?

Le préambule de l’Accord de Nouméa prévoit que «...des signes seront donnés de la reconnaissance progressive d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci devant traduire la communauté de destin choisie...». Le document d’orientation est plus précis : «Des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphisme des billets de banques devront être cherchés en commun, pour exprimer l’identité kanak et le futur partagé entre tous.»
Le cadre est posé et les objectifs sont clairs. Toutefois, ces dispositions ne permettent pas de comprendre tous les tenants et les aboutissants de la démarche ni la profondeur de l’enjeu.
Faisons un peu d’explication de texte : se donner des signes identitaires, c’est exprimer d’où on vient, qui on est, et éventuellement où l’on souhaite aller... Le drapeau, l’hymne et la devise sont, pour chacun des pays de la planète, la synthèse de son histoire, de sa ou de ses cultures, et parfois de ses particularités naturelles. Nous sommes donc bien dans une logique identitaire où chaque pays, chaque peuple affirme son existence et son droit au respect.
Tout cela paraît évident, si évident qu’un pays qui ne possède pas de signes identitaires officiels passe pour être une anomalie : terre dominée ou encore entité mineure sans véritable histoire, sans personnalité... À l’évidence, l’archipel calédonien n’est classable dans aucune de ces catégories. Plus une colonie depuis 1946, la Nouvelle-Calédonie a connu une succession de statuts qui, bon an mal an, lui ont octroyé de plus en plus d’autonomie avant que l’Accord de Nouméa ne l’engage clairement dans un processus d’émancipation. Quant à l’identité de notre pays, elle s’est forgée sur l’enclume d’une histoire difficile et dans le creuset des communautés humaines enracinées ici. Le fait que l’Accord de Nouméa prévoit que nous dotions le pays de signes identitaires n’est donc pas, contre toute apparence, seulement le résultat d’un compromis politique, c’est une étape normale dans l’histoire d’un pays qui se construit.

Transcender notre identité culturelle pour affirmer notre identité de citoyen du pays

Bien sûr, le cheminement identitaire de la Calédonie ne se fait pas sans accrocs. L’histoire et son lot de blessures et d’injustices ont marqué les esprits et entretenu, génération après génération, des préjugés et des craintes vis-à-vis de «ceux» d’en face. Il en résulte que la société calédonienne reste encore largement structurée autour du principe communautaire : beaucoup de nos concitoyens se définissent d’abord comme Kanak, Caldoche, Wallisien, Indonésien ou Vietnamien avant de s’affirmer Calédonien.
Dans ce contexte, on peut concevoir que l’Accord de Nouméa soit déstabilisant, un de ses fondements étant de conduire la société calédonienne à sortir de la logique coloniale en redéfinissant les rapports communautaires. Une redéfinition qui, tant qu’elle n’est pas achevée, insécurise certains de nos concitoyens qui craignent d’être marginalisés ou simplement oubliés.
C’est un fait, la société calédonienne change rapidement mais l’occasion nous est donnée aujourd’hui, au travers la définition des signes identitaires, de lui poser une nouvelle fondation, de dire à quoi nous voulons que notre société ressemble désormais.
A nous de savoir aborder ce défi en nous comportant non plus comme des victimes de l’histoire, mais comme les acteurs de notre histoire. Relevons-le en gardant à l’esprit la hauteur de l’enjeu. En déterminant ensemble des signes qui nous représenterons dans toutes les occasions politiques, sportives et culturelles à travers le monde, nous donnerons à tous les citoyens calédoniens une chose dont l’histoire les a privé jusqu’à aujourd’hui : une identité collective. Alors peut-être nos compatriotes seront-ils de plus en plus nombreux à dépasser leur appartenance culturelle pour se présenter d’abord comme des citoyens calédoniens.

Un enjeu de portée internationale

Rappelons-nous que les Accords de Matignon avaient été comparés à la démarche de réconciliation en Afrique du Sud et au processus de paix israëlo-palestinien, que l’Accord de Nouméa avait été pris en référence par le général Lebed lorsqu’il recherchait une issue au conflit russo-tchéchène. C’est dire si le texte qui préside à notre destinée depuis près de dix ans à valeur d’exemple pour l’opinion internationale et si de ce fait, notre responsabilité est grande. Une responsabilité que nous partageons avec la France qui doit prouver qu’elle peut réussir en Nouvelle-Calédonie ce qu’elle n’est pas parvenue à faire jusqu’à présent : une décolonisation progressive et pacifique. Ce challenge devrait réunir les efforts tant des partisans que des détracteurs de l’indépendance. Les premiers parce qu’ils seraient satisfaits dans leurs aspirations émancipatrices, les seconds parce que la France sortirait grandie d’avoir tenu sa parole et inauguré une nouvelle méthode de décolonisation.
En réussissant l’épreuve de la définition de nos signes identitaires, non seulement nous affirmerons notre communauté de destin, mais nous enverrons au monde le signal qu’il est possible d’avancer dans la voie que nous avons choisie.

On l’aura compris, imaginer des signes distinctifs pour notre pays, c’est bien plus que se donner une bannière colorée qui flottera aux côtés du drapeau français et un air que nous fredonnerons lors des grandes occasions. C’est dessiner avec plus de précision les contours de la citoyenneté calédonienne et montrer au monde, qu’au-delà de nos origines, nous souhaitons être un peuple.
Et si nous voulons que ces signes soient vraiment la synthèse de la diversité et de la richesse de ce peuple, il est fondamental que le point de vue de nos compatriotes soit largement sollicité. Ce serait la première fois depuis le référendum de 1998 que les Calédoniens exprimeraient directement leur avis sur une disposition de l’Accord de Nouméa. Jouons la démocratie participative et donnons leur la chance de faire preuve de maturité et d’imagination.

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